Par le passé, tout était contrôlé à l'aide d'un câblage personnalisé fait à la main et de formats de données propriétaires. Dans le monde industriel pourtant, ce genre de choses a disparu depuis bien longtemps : aujourd'hui, des systèmes entiers sont basés sur des architectures de bus entièrement intégrées. En plus des avantages évidents d'une plus grande facilité de maintenance et d'extension, il existe d'autres raisons de préférer cette approche. Par exemple, une norme industrielle largement répandue garantit la disponibilité à long terme des équipementss matériels et logiciels, du moins dans certains domaines. Dans cet article, nous allons nous pencher sur l'AS-Interface (ASi).
 

 

Figure 1 : Les niveaux hiérarchiques d'un système d'automatisation industrielle.

L'approche de l'automatisation des processus de fabrication plus complexes peut être considérée comme une série de niveaux, comme l'illustre la Figure 1. Au niveau inférieur, nous trouvons les capteurs et les actionneurs. Pour des raisons de coût et d'efficacité, la communication avec ces dispositifs nécessite l'utilisation d'un câblage de type Ethernet : les connexions à courte portée basées sur des protocoles tels que SPI ou I2C ne sont souvent pas adaptées milieux industriels sévères [ J. M. Jacob, Industrial Control Electronics, page 260 ff.] .

Les deux méthodes très répandues pour connecter des capteurs et d'autres actionneurs sont l'AS-Interface (interface actionneur-capteur, également appelée ASi) et le protocole IO-Link, normalisé sous le nom de SDCI, et favorisé pour une utilisation dans les environnements PROFIBUS. Le principal avantage de l'AS-Interface est qu'un maître peut communiquer avec de nombreux esclaves en utilisant un seul port. IO-Link, en revanche, nécessite normalement un port et un câble distincts pour chaque esclave. Dans le monde anglophone du moins, IO-Link est généralement considéré comme plus adapté aux systèmes dans lesquels de grandes quantités de données doivent être transmises.

On peut remarquer que ASi et IO-Link peuvent coexister dans une certaine mesure. Par exemple, le système de Bihl+Wiedemann illustré à la Figure 2 et décrit en détail dans [2] utilise IO-Link pour collecter des informations, les paquets compilés sont ensuite transmis au maître à l'aide d'ASi.

Figure 2 : Du bus de terrain aux capteurs et actionneurs (source).


Quelle version ?

AS-Interface est née en 1990 de la formation d'un groupe d'entreprises sous le nom de « AS-International Association » , une sorte de groupement d'intérêt spécial. Ce groupe détient les droits sur le nom "AS-Interface" et vend des produits basés sur la norme officielle. Si vous envisagez de rejoindre le groupe, sachez que l'adhésion vous coûtera environ 4000 euros par an.  

Si vous souhaitez simplement jeter un coup d'œil à la norme, il existe une solution plus abordable : AS-Interface est spécifiée par un ensemble de normes industrielles, dont la plus populaire est de loin la norme EN 62026-2:2015. Ce document normatif peut être obtenu par les canaux officiels pour 250 euros seulement. Par ailleurs, si vous avez envie de faire des recherches personnelles, le document devrait se trouver dans la bibliothèque d'un établissement d'enseignement technique ou d'une université locale, et à défaut, peut-être qu'un prêt entre bibliothèques ou une bibliothèque institutionnelle compétente pourrait vous venir en aide.

Le fait qu'il existe actuellement deux versions d'ASi sur le marché peut compliquer la prise en main de tous ces équipements. Parmi celles-ci, seule la version 3.0 présente un niveau de disponibilité significatif, tant en termes de spécifications que de matériel. Cependant, la version 5.0 fait l'objet d'une large promotion depuis le salon « SPS IPC Drives 2018 » , car la nouvelle version améliore l'ancienne sur plusieurs points.

Bien que de tels développements soient parfaitement normaux en soi, l'un des point qui pose problème est que la spécification exacte de la version 5.0 du protocole n'est pas accessible à tous les membres de l'association, au moment de la rédaction du présent document. Selon des informations privilégiées, seules les personnes directement impliquées dans le développement du protocole ont accès à ces informations.

Il en découle un résultat intéressant. Les circuits intégrés des émetteurs-récepteurs pour la version 3.0 (sur lesquels nous reviendrons plus loin) proviennent de la société ZMD, qui a ensuite été rachetée par IDT, laquelle a été à son tour avalée par Renesas. Renesas est donc le partenaire qui travaille à la prise en charge de la version 5.0, ce qui lui permet de déclarer : « Nous mettons en œuvre tous les protocoles » .

Le câble ASi 

Un aspect fondamental de la mise en œuvre de la capacité « multipoint » de l'ASi réside dans la construction de son câble. Il y a deux conducteurs dans le câble, qui transportent les signaux AS+ et AS-. Ici, AS- est la connexion de « masse » par rapport à laquelle AS+ transporte le signal de données positif. Attention, il n'est en aucun cas permis de relier le signal AS- à la terre.

Dans les installations actuelles, les câbles ASi sont presque toujours de couleur jaune. La forme asymétrique illustrée à la Figure 3 est typique, la forme du plan en coupe rappelant celle d'un nez. Un câble noir optionnel de même construction peut être utilisé pour fournir une puissance supplémentaire aux appareils sur le bus.

Figure 3 : Section transversale d'un câble ASi (diamètre du conducteur 1,8 mm).
La forme du « nez » empêche toute inversion de polarité accidentelle lors d'une connexion. 
(Image : d'après Bihl+Wiedemann).

La plupart des appareils ASi sont équipés de connecteurs qui s'adaptent à un câble du type illustré à la Figure 3, équipés de dents qui percent l'isolation du câble lorsque le connecteur est mis en place, afin d'établir une connexion électrique avec les deux conducteurs qui s'y trouvent. L'ajout d'un nouveau dispositif à un bus ASi est donc raisonnablement facile et « sécurisé » . Bien que cette conception soit courante et pratique, il est possible d'utiliser le bus ASi avec d'autres types de câbles.

Lorsque les capteurs sont connectés directement aux systèmes de microcontrôleurs à l'aide du bus 1-Wire, il est possible pour les appareils de faible puissance de s'alimenter directement à partir du signal du bus. Il en va de même pour les appareils AS-Interface : la tension nominale du bus est de 24 V et, selon les spécifications, le bus peut en théorie supporter jusqu'à 8 A. Dans la pratique, cependant, il est recommandé de maintenir la consommation de courant en dessous de 2 A, afin de maintenir les chutes de tension dans le câblage et les connecteurs dans des limites raisonnables.

Un point important à noter est que les signaux de l'AS-Interface ne sont pas à un potentiel fixe par rapport à la terre. En effet, comme indiqué ci-dessus, il est explicitement interdit de mettre le câble à la terre. Outre les dispositifs esclaves ASi entièrement en réseau, il est également possible d'avoir des dispositifs qui utilisent le bus uniquement comme source d'alimentation. Ils peuvent consommer jusqu'à 400 mA à 24 V, mais ne reçoivent pas d'adresse et ne participent pas à la communication. Comme un bus ASi peut mesurer jusqu'à 100 m de long (et même jusqu'à 300 m avec une terminaison appropriée), c'est aussi un moyen pratique d'alimenter des systèmes « étrangers » dont les besoins en énergie sont modestes. Ces appareils sont simplement connectés à AS+ et AS- et poursuivent leurs activités propres.

Un système ASi est normalement alimenté par une source d'alimentation dédiée, dont la construction est illustrée à la Figure 4. Il est fortement déconseillé de concevoir et de construire soi-même une alimentation de ce type pour une application professionnelle, sur le site web de l'association ASi, vous trouverez des liens vers de nombreuses entreprises qui seront heureuses de vous vendre des produits avec les certifications nécessaires.  

Figure 4 : L'alimentation PELV a une structure interne relativement complexe (source Alkindustries).

Il est intéressant de noter que l'alimentation est supposée fournir une tension continue entre 29,5 et 31,6 V. Cette tension, supérieure à 24 V, est nécessaire pour compenser les chutes de tension dans les câbles et les connecteurs. Par ailleurs, le niveau élevé d'immunité au bruit offert par le système ASi n'est pas une excuse pour les câblages négligés ou désorganisés. Lorsqu'un câble ASi est posé dans le même chemin de câble que des câbles de puissance, il est possible, dans certaines circonstances, que le réseau subisse des interférences difficiles à éliminer. Un exposé de Phoenix Contact donne des conseils supplémentaires sur la manière d'organiser une installation.  

Communication

La construction du câble illustrée à la Figure 3 montre clairement qu'il n'y a pas de connexions séparées pour l'alimentation et les données. Par conséquent, avant qu'un récepteur ne puisse traiter un message, le signal doit être transformé ou démodulé.

Les données sont envoyées à l'aide d'une modulation de courant (APM). Il s'agit d'un système basé sur le codage Manchester, dans lequel l'horloge de données et le flux binaire à envoyer sont combinés. Le signal codé par Manchester est ensuite utilisé pour moduler un courant afin de transmettre les données. Selon les informations librement disponibles, l'amplitude de cette modulation est comprise entre 0 et 60 mA.

Les fronts descendants sont représentés par une augmentation du courant transmis et les fronts montants par une baisse de courant. En raison de l'inductance du câble, ces variations de courant sont converties en impulsions de tension, avec des variations d'environ ±2V autour de la tension d'alimentation nominale. Il est important de noter que le début d'un datagramme est toujours marqué par une impulsion négative, ce qui est important pour le déclenchement d'oscilloscopes numériques et d'analyseurs de signaux.

Malheureusement, les fabricants habituels d'oscilloscopes ont jusqu'à présent manifesté peu d'intérêt pour l'intégration de décodeurs de protocole ASi prêts à l'emploi dans leurs produits. Seule la gamme d'appareils de Pico Technology prend en charge le protocole, même si ce n'est pas de manière native, un outil tiers utilise l'API (Interface de programmation d'application) pour fournir des fonctions d'analyse.

Si vous souhaitez construire un périphérique ASi, il n'est pas vraiment pratique d'implémenter vous-même le matériel du décodeur. La société IDT mentionnée ci-dessus propose le circuit émetteur-récepteur ASI4U, qui peut être configuré pour fonctionner en tant que maître ou en tant qu'esclave. La Figure 5 montre le circuit de base, extrait de la fiche technique.

Figure 5 : la puce de l'émetteur-récepteur nécessite très peu de composants externes (source).

Les deux diodes électroluminescentes, désignées comme vertes et rouges dans la fiche technique d'IDT, sont particulièrement remarquables. La spécification du bus ASi exige que ces diodes soient présentes sur les dispositifs esclaves et qu'elles donnent des informations sur l'état opérationnel actuel. Vous trouverez de plus amples informations à ce sujet dans la fiche technique de l'appareil.

Les broches marquées DIx et DOx sont des entrées et des sorties. Si un module utilisant l'émetteur-récepteur fonctionne en mode esclave, c'est là que les données communiquées sur le bus seront disponibles. Les broches étiquetées Px sont utilisées pour configurer les paramètres et sont particulièrement importantes en mode maître, qui ne sera pas abordé ici.

La norme en matière de communications

Maintenant que nous avons compris les propriétés électriques sous-jacentes d'un système ASi, nous pouvons nous pencher sur la logique derrière le format de communication. Toutes les communications sont strictement contrôlées par le maître, qui exécute un processus d'interrogation cyclique par lequel il interroge à tour de rôle chaque esclave connecté au bus. Chaque esclave répond normalement par une charge utile de quatre bits. Lorsqu'un cycle est terminé, il recommence depuis le début : voir la Figure 6.

Figure 6 : Format des données d'un message ASi (source).

Le format de l'adresse détermine le nombre maximum d'équipements sur le bus. Dans les datagrammes « normaux », il n'y a que cinq bits d'adresse disponibles, et l'adresse zéro est réservée à un nouvel esclave. Il reste donc 31 valeurs disponibles pour les esclaves adressables. Le maître attribue une nouvelle adresse à un nouvel esclave, dont l'adresse initiale est zéro, à partir du parc disponible.

Une conséquence de l'interrogation cyclique est que le temps de réponse d'un système ASi est déterministe. Dans ASi 3.0, le temps de réponse est normalement d'environ 5 ms, alors que la nouvelle version 5.0 avec 24 abonnés au bus promet un temps de cycle de seulement 1,2 ms. De plus, le nombre maximum d'esclaves dans ASi 5.0 est considérablement plus élevé, à savoir 96.

Il est particulièrement important de comprendre que l'on peut transmettre soit des données, soit des paramètres. L'un des bits d'information indique quel type d'information est transmis sur le bus. Le bit de contrôle indique si c'est une adresse ou une commande qui suit.

Que faire de plus maintenant ?

Si vous devez travailler sur un système ASi existant, ou si vous souhaitez (ou devez) construire un nouveau système ASi, il est important de réfléchir de manière rationnelle. Développer ses propres modules et capteurs peut sembler amusant, mais dans la pratique, ce n'est pas économique. De nombreuses entreprises travaillent dans ce domaine et proposent pratiquement tous les types de capteurs et d'actionneurs auxquels vous pouvez penser, et qui sont compatibles avec l'interface ASi. Il est beaucoup plus efficace d'assembler votre système complet à partir de ces composants et de le vendre à vos clients, avec des services de conseil et d'assistance.

Si vous n'êtes pas découragé par ce qui précède et que vous souhaitez toujours expérimenter l'ASi, vous ne pourrez pas vraiment éviter d'adhérer tôt ou tard à l'organisation de normalisation. La norme contient toutes les informations nécessaires et, selon oemsecrets.com, la puce transceiver ASI4U est disponible sur le marché libre, mais il y a un grand « cependant » .

Le problème concerne les droits de propriété intellectuelle. Si vous utilisez le terme "ASi" ou le logo ASi sans autorisation explicite, vous vous retrouverez rapidement dans une situation délicate. Et si vous tentez de vendre votre système sur le marché libre, ce n'est qu'une question de temps avant que quelqu'un ne vienne frapper à votre porte.

Cette situation n'est pas vraiment satisfaisante pour les amateurs désireux d'expérimenter en laboratoire. D'un autre côté, travailler avec des systèmes ASi peut s'avérer très lucratif à long terme, car les salaires des développeurs et des consultants dans le domaine de l'automatisation industrielle sont en général relativement élevés : cela pourrait être une compensation pour toutes les formalités et tous les efforts.


 

Webinaire

Un bref aperçu des principes de base de la norme ASi est disponible sur la chaîne YouTube de Pepperl+Fuchs.    

La lecture de la fiche technique n'est pas une option !

Pour des raisons de place, cet article ne peut donner qu'un aperçu général de la norme ASi. Avant d'entreprendre toute démarche pratique, nous vous conseillons donc vivement d'étudier attentivement la fiche technique du circuit IDT ASI4U.    


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(190124)

Traduction : Laurent RAUBER