Pour reprendre la formule de Geneviève Tabouis, attendez-vous à savoir que le 14 décembre 2017 aura été le jour de la fin de la neutralité du réseau. Ce jour-là, la commission émanant de la FCC américaine se sera réunie pour lever les règles Internet mises en place auparavant par l'administration Obama.

Les décisions de la commission de la FCC sont actuellement aux mains de trois républicains et de deux démocrates. On peut en déduire que la décision sera sans surprise : conforme à celle souhaitée par l'administration Trump. De là, il n'y a plus de gros obstacles politiques à franchir et, après passage devant le congrès américain, le projet de loi baptisé du doux euphémisme de loi relative à la restauration de la liberté sur Internet entrera en vigueur au printemps prochain. À moins qu'un tribunal fédéral compétent ne bloque cette décision, mais les chances paraissent faibles.

Que va-t-il advenir ?
Il en sera terminé des règles restaurées par le gouvernement précédent, lesquelles permettaient l'acheminement sans discrimination des données à travers le réseau ou les infrastructures des ISP (Internet Service Provider) ç.-à-d. des fournisseurs de services Internet, au nombre de quelques milliers actuellement.
Il en sera également fini de la transparence des règles d'acheminement relatives aux prestations des ISP et de leur financement par le transport des contenus, etc.
Autrement dit, toute discrimination dans les prestations de transport en termes de capacité, de qualité et de vitesse en fonction du contenu était interdite. En particulier, la vente de bande-passante pour des services particuliers était illégale. En outre, jusqu'à présent, les seuils pour déposer plainte pour non-respect des règles étaient assez bas.

Les conséquences prévisibles sont les suivantes : l'Internet va devenir opaque. Les structures monopolistiques composées de fournisseurs de contenus et d'accès pourront favoriser leurs propres offres et discriminer la concurrence. Les petites sociétés (jeunes pousses) auront à franchir de plus grands obstacles financiers. Cela devrait s'accompagner d'une forme plus sévère de surveillance car, derrière le deep packet inspection, en français : inspection en profondeur des paquets, les fournisseurs d'accès doivent précisément inspecter le contenu transporté afin de tracer leurs intérêts commerciaux. L'utilisation malhonnête de la surveillance des concurrents est tout à fait à portée de main, dans des buts inavouables d'entrave à la concurrence.

Le nom du projet de loi n'est pas seulement un euphémisme, il rappelle aussi le régime linguistique du ministère de la vérité du roman de SF 1984 de George Orwell : on parle de « libérer » l'Internet et d'« éradiquer » les règles « non équitables ». Mais en fin de compte, cela permettra de déréguler considérablement le marché d'Internet avec des conséquences, heureuses pour quelques actionnaires des ISP, et désastreuses pour les autres acteurs et toute l'humanité, en raison des effets de ces mesures sur le reste du monde.

Vous pouvez consulter le texte exact du projet de loi Restoring Internet Freedom dans ce fichier PDF.