On clame partout que le piratage et les téléchargements effrénés tuent peu à peu les ventes de CD et la fréquentation des salles de cinéma. Pour tenter de remédier à cette dégradation, la France a créé Hadopi et sa fameuse « riposte graduée » dont les vertus nous échappent. Deux études récentes confirment ces doutes. La première est signée Patrick Waelbroeck, enseignant chercheur à l’école nationale supérieure des télécommunications (ENST). Il montre que si la vente des CD est effectivement en baisse dans les pays industrialisés, le piratage en ligne est loin d’en être la seule et unique cause. Mieux même, les internautes familiers d'un usage illicite de l’internet dépenseraient plus en biens culturels que la moyenne des Français. Ceci ne prouve évidemment rien, mais fait réfléchir sur les mutations en cours.

Un phénomène analogue est constaté outre-Rhin, où les autorités ont fait fermer le site kino.to qui proposait des films en streaming (diffusion directe continue) alors que, dans le même temps, une étude commandée au cabinet Gfk démontrait que les utilisateurs de ce site allaient plus souvent au cinéma que les autres et achetaient souvent les DVD des films dont ils avaient regardé le début en streaming sur kino.to.

Même fermé ce site mérite le détour, ne serait-ce que pour la mise en garde de la Kriminalpolizei. On méditera au passage sur la puissance évocatrice des seuls mots « Police Criminelle ».


À défaut de savoir ce que pense l'Hadopi de ces études, rappelons deux choses :
Primo les problèmes liés à la copie, et à la mécanisation de la reproduction de produits manufacturés et accessoirement la reproduction des oeuvres artistiques est vieux comme le monde.

Secundo, en soi aucun mode de diffusion n’est légal ou illégal : la technologie est neutre. C’est l’utilisation qu'on en fait qui peut être illégale, dans nos sociétés, en l'absence d'autorisation de copier donnée par le titulaire de droits (ou par la loi). La loi française prévoit que les titulaires de droits ne peuvent interdire la copie d’une œuvre destinée à l’usage strictement personnel du copiste. La copie privée n’est pas un droit, mais une exception encadrée par le code de la propriété intellectuelle. Elle ne peut s’effectuer qu’à partir d’une source licite, comme une chaîne de télévision ou un CD acheté chez un disquaire.

Et pur finir, qui a oublié que tout ceci, abstraction faite des dégradations du signal inhérentes aux copies analogiques, était déjà vrai du temps où l'on copiait sur bande magnétique, puis sur K7 les disques 33 tours empruntés à droite et à gauche. Ce qui, contrairement à ce qu'on nous fait accroire, montre qu'il ne s'agirait nullement d'une question ni d'art, ni de morale, ni même de droit, mais bien d'une question de logique technico-commerciale à laquelle les intéressés (du moins ceux qui auront survécu malgré les pertes qu'ils subissent) finiront par trouver la parade forcément technico-commerciale qui relancera leurs affaires.