A priori, un biologiste s'épanouit au grand air, mais ces biologistes-là doivent sentir le renfermé :  ils ont préféré plonger leurs têtes curieuses dans des ordinateurs plutôt que d'aller courir le papillon ou la papillonne. Leurs têtes, bien remplies et bien faites, ils s'en sont servi pour réaliser l'équivalent biologique de portes logiques, ces neurones à trois fils qui font la différence entre l'ordinateur et le presse-purée.

Des circuits biologiques à base d'ADN exécutant des fonctions logiques avaient déjà été réalisés, mais ils n'étaient ni modulaires, ni indépendants de la machinerie cellulaire de leur hôte, autrement dit ne pouvaient être ni combinés pour former des fonctions plus complexes, ni intégrés dans d'autres systèmes biologiques. Impossible donc jusqu'alors de les utiliser pour programmer le comportement d'une cellule en réponse à un signal intra- ou extra-cellulaire.

L'exploit de nos chercheurs de l'Imperial College London est d'avoir fabriqué des portes bio (et) logiques modulaires de type ET et NON, et même d'avoir pu les combiner en opérateurs NON-ET. Le châssis de ces portes est la bactérie Escherichia coli. Deux gènes associés à leurs promoteurs respectifs forment les entrées de la porte, et la sortie est pilotée par un promoteur particulier. Dans le cas de la porte ET, ce promoteur de sortie n'est activé que si les deux gènes d'entrée sont exprimés. L'analogie avec l'électronique numérique va plus loin puisque les chercheurs ont pu obtenir de leurs portes l'équivalent d'un filtrage du bruit analogique.

À quoi bon de tels exploits ? s'interroge le lecteur sceptique. Exemple : ces opérateurs bio et logiques pourraient servir à construire des capteurs vivants, capables de détecter la formation de plaques d'athérome dans les artères et de les détruire. 

[dessin Hervé Moreau]