Le silence des organes était autrefois considéré comme synonyme de santé (sauf en Alsace*). Le corps semble devenu le lieu d'un invisible complot, une menace permanente à surveiller à l'aide d'écrans et d'instruments de toutes sortes. Qu'un orteil vous chatouille ou vous grattouille, et le docteur Knock de service vous prescrira à coup sûr une ribambelle d'examens. Une nouvelle famille de malades est apparue : les non-malades, grands consommateurs d'examens inutiles. Cette situation a paradoxalement permis de fabuleuses innovations en matière d'imagerie et d'outils de diagnostic.

 

Le (tout) petit dernier est étonnant : une balance à base de NEMS (système nano-électromécanique) capable de mesurer la masse d'une molécule. Pas de fléau ici, mais une nanopoutre qui vibre à une fréquence inférieure à sa fréquence de résonance lorsqu'une molécule y est adsorbée. Vous pensez sans doute que le décalage entre ces deux fréquences permet de remonter à la masse de la molécule. Hélas ce truc est vraiment très petit, et par ailleurs dépourvu de siège, donc une grosse molécule placée au bord de la nanopoutre et une petite placée à son extrémité peuvent produire la même fréquence. Des chercheurs*** du CEA-Leti  et du Caltech ont levé l'ambiguïté en faisant vibrer la nanopoutre selon deux modes de vibration à la fois. Une molécule qui y dépose son gros (molé)cul baisse cette fois-ci la fréquence des deux modes, et la connaissance de ces deux décalages permet de remonter à la position et à la masse.

 

Précise au zeptogramme** près, donc capable d'identifier des protéines, cette balance devrait se retrouver au coeur de nombreux instruments de diagnostic. Les chercheurs visent en particulier un analyseur d'haleine portable pour le diagnostic précoce des cancers.

  

* Wenn's Ärschel brummt isch 's Herzel gesund

** Eh bien non, ce n'est pas une mesure alsacienne :  10 puissance -24 kg

*** photo : Scott Kelber et Michael Roukes