Au bout d'un court instant, une goutte d'huile placée sur une surface liquide très froide se met à se mouvoir en segments droits, pendant de longues minutes, même une fois gelée. Les conditions sont l’inverse de celles de la goutte d'eau qui se déplace sur une surface très chaude, phénomène connu sous le nom d'« effet Leidenfrost ».

Plaque chaude

Les gouttes qui tombent sur une plaque chauffée ne s'évaporent pas très rapidement, mais elles sont soulevées par une sorte de coussin composé de leur propre vapeur. Cet effet de sustentation des gouttelettes est également connu sous le nom d'effet Leidenfrost. Il a fait l'objet de nombreuses recherches depuis sa découverte au XVIIIe siècle. Il tient son nom de son découvreur, Johann Gottlob Leidenfrost, médecin allemand. Mais que se passe-t-il dans le cas de la goutte d'eau sur une surface extrêmement froide ? Qu’arrive-t-il si la chercheuse Anaïs Gauthier de l'Université de Twente (Pays-Bas) dépose une goutte d'huile de silicone à température ambiante sur un bain d'azote liquide (–196 °C) ? La goutte ne gèle pas immédiatement, mais, au bout de quelques secondes, elle commence à se mouvoir spontanément à vitesse constante, de façon stable. Cela marche également avec une goutte d'éthanol (alcool). Même une fois gelée, la goutte continue à se déplacer en segments droits pendant des dizaines de minutes. Lorsqu'elle atteint la paroi du récipient contenant le fluide, elle rebondit (choc élastique).

Changement de forme

Contrairement à l'effet Leidenfrost habituel, ce n'est pas la goutte, mais la surface du liquide sous-jacent qui s'évapore et se déforme. Une fine couche de vapeur d’azote se forme entre le liquide froid et l'huile relativement chaude. Ce fait ne suffit pas à expliquer pourquoi la goutte se déplace spontanément au lieu de geler sur place. Il faut que quelque chose amorce le mouvement. En analysant les images filmées, en faisant des simulations et en élaborant des modèles mathématiques, il apparaît que la couche sous-jacente n'est pas symétrique. C'est cette dissymétrie qui provoque le mouvement : ces modèles permettent de prédire la vitesse correctement. S'il n'y avait pas de collision avec les parois, la vitesse diminuerait nettement plus rapidement. Il se forme également une couche de vapeur entre la paroi et la goutte de sorte qu'elle rebondit élastiquement.

Matériaux biologiques

De nouvelles recherches devraient clarifier ce qui cause la dissymétrie de la couche de vapeur. Il serait intéressant de déterminer ce qui se passe lorsqu'il y a plusieurs gouttes à la surface. Le mouvement spontané des gouttes pourrait être exploité pour geler et transporter sans contamination des matériaux, par ex. biologiques. La recherche a été effectuée par le Groupe de physique des fluides de l'institut MESA+, université de Twente (TU), à Enschede (Pays-Bas). L'article intitulé « Self-propulsion of inverse Leidenfrost drops on a cryogenic bath » (autopropulsion de gouttes de Leidenfrost inversées sur un bain cryogénique) a été publié dans les Comptes-rendus de l'Académie nationale des sciences des États-Unis d'Amérique (PNAS).

Source : Université de Twente (Pays-Bas)

(Vidéo : Université de Twente)