C'est pour mettre fin à ce qu'il considérait comme une anarchie féodale que Louis XVI décida en 1790 d'uniformiser monnaies, poids et mesures. Jusqu'alors les poids se comptaient en prime, grain, denier, gros, once, marc, livre, esterlin... Cette diversité entraînait tant de conversions compliquées que la Sainte-Magouille était fêtée quotidiennement chez tous les commerçants. Enfin défini par décret en 1799, le premier étalon légal du kilogramme fut usiné, et plus tard reproduit en 40 exemplaires.

En 1889, chacun des pays signataires de la Convention du mètre, le traité d'uniformisation des poids et mesures, se vit remettre une de ces copies. Après tirage au sort, les Anglais reçurent ainsi l'étalon n°18, accompagné d'un certificat indiquant une masse de 1 kg + 0,070 mg. Soit, tout bien pesé, un kilo qui ne valait pas exactement un kilo. Personne n'eut l'idée d'un petit coup de lime, puisqu'à l'époque c'était le genre d'imprécision qui pouvait passer inaperçue chez le boucher, ou plutôt dont on pouvait sans doute s'accommoder.

Seulement voilà, pour une raison encore obscure, ces différents étalons se sont tous mis à grossir ou maigrir au fil du temps. Or, étalonner un instrument de mesure avec un étalon instable revient en termes de précision à viser un moucheron avec un tromblon. Or bis, sciences et techniques réclamant de plus en plus de précision, certaines unités liées au kilogramme, dont l'ampère, risquent à terme d'entraîner les instruments de mesure dans de douteuses et instables contrées métrologiques.

Pour l'ampère, l'idée est donc de le débarrasser de son kilo superflu en le reliant à certaines constantes fondamentales. Cette redéfinition passe actuellement par la tentative d'obtenir une loi d'Ohm quantique, en exploitant effet Josephson, effet Hall quantique et blocage de Coulomb. Une situation pour le moins ironique quand on sait que le monde quantique est le règne du flou et de l'incertitude...