Des physiciens de l'Université Pierre et Marie Curie ont stocké dans un ensemble d’atomes froids puis relu, à la demande, des bits quantiques portés par des impulsions de lumière à l’échelle du photon unique. L’information était codée dans le moment angulaire orbital de la lumière. ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour le développement des communications quantiques. 

 

Parmi les nombreux degrés de liberté de la lumière, le moment angulaire orbital, c’est-à-dire la possibilité d’avoir un front d’onde dont la structure est celle d’une hélice, est aujourd’hui exploité pour manipuler optiquement des objets, améliorer la sensibilité de certaines mesures ou encore piéger des atomes dans des configurations originales. Ce degré de liberté offre également la possibilité de transmettre de l’information à haut débit en la multiplexant dans de nombreux modes spatiaux qui sont autant de canaux de communication. 

Alors qu’un photon ne peut transporter qu’un seul bit quantique avec sa polarisation, qui ne peut prendre que deux valeurs possibles, le moment angulaire orbital, qui permet de définir une base de dimension infinie, permet de transporter un grand nombre de bits quantiques sur un seul photon. Jusqu’à présent ce degré de liberté avait été utilisé pour coder l’information quantique dans des photons uniques dans des états particuliers, constitués d’une superposition d’états de moment angulaire orbital différent. 

Des chercheurs français viennent de démontrer la possibilité de stocker ces états de la lumière dans une mémoire quantique, puis de relire cette information à la demande. Cette capacité de mettre en mémoire et de relire l’information quantique sous la forme où elle va être transmise est un ingrédient central pour le développement de réseaux de communication. En démontrant une telle mémoire quantique, ce travail ouvre la perspective d’un réseau à forte capacité, basé sur ce degré de liberté de la lumière. Stocker des faisceaux lumineux tout en conservant leurs propriétés quantiques est une gageure expérimentale. Les physiciens du LKB ont utilisé ici une technique dite de transparence induite électromagnétiquement dans un ensemble d’atomes froids piégés par laser : un faisceau auxiliaire illuminant les atomes ouvre, pour le faisceau à enregistrer, une fenêtre de transparence dans ce milieu normalement opaque. 

Cette modification s’accompagne d’une réduction drastique de la vitesse de propagation de la lumière dans le milieu atomique. Une fois que toute l’information à stocker a pénétré dans le milieu atomique, le faisceau auxiliaire est éteint. La lumière est alors stoppée et intégralement absorbée par les atomes : l’information quantique est ainsi transférée aux atomes. Lorsque le faisceau auxiliaire est rallumé, les atomes réémettent la lumière stockée et reconstituent le faisceau initialement stocké. 


À l’aide d’un modulateur spatial de lumière, les chercheurs ont produit différents faisceaux dont les profils spatiaux codent différents bits quantiques. En détectant ces faisceaux avant ou après stockage, les chercheurs ont montré qu’après quelques microsecondes de stockage, la lumière réémise avait conservé l’information initialement codée. Dans ce travail, des photons préparés dans une superposition de deux différentes hélicités ont pu être enregistrés puis relus, et cela en utilisant un seul ensemble atomique. Une prochaine étape consistera à augmenter le nombre d’hélicités utilisées, avec comme objectif le stockage d’une centaine de bits quantiques. 

 

A. Nicolas, L. Veissier, L. Giner, E. Giacobino, D. Maxein, J. Laurat
Contact : Julien Laurat (julien.laurat@upmc.fr).

Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/UPMC/ENS/CdF)

Les images sont la propriété du Nature Publishing Group.

Titre de la publication :

A quantum memory for orbital angular momentum photonic qubits

doi:10.1038/nphoton.2013.355

http://www.nature.com/nphoton/journal/vaop/ncurrent/full/nphoton.2013.355.html