Le corps humain est une machine moléculaire extrêmement complexe qu'il est possible d'étudier de manière détaillée grâce aux biomarqueurs. Il n'est malheureusement pas possible de surveiller ces biomarqueurs in vivo chez les patients, car leur concentration est très faible. Cependant, des chercheurs de l’université de technologie d’Eindhoven ont développé une technique inédite, potentiellement révolutionnaire, qui rendrait possible la surveillance en continu des marqueurs, avec une extrême sensibilité.

Très faibles concentrations

Les concentrations sanguines des substances vitales pour le corps humain (protéines, hormones, médicaments) sont infinitésimales. Elles sont comparables à celles obtenues en dissolvant un cristal de sucre dans une piscine olympique... C'est dire si elles sont faibles et donc très difficiles à mesurer. L’équipe de biodétection moléculaire pour les diagnostics médicaux de l’université de technologie d’Eindhoven, dirigée par le professeur Menno Prins, a développé une technique de capteurs destinés à mesurer avec une extrême sensibilité les modifications des biomarqueurs en fonction du temps.

Mouvement brownien

Les minuscules particules contenues dans l'eau sont constamment soumises au mouvement brownien et entrent en collision avec les molécules d’eau. Pour mettre au point leur technique, les chercheurs ont lié les particules à l’aide d’un brin nanométrique, attaché à une petite lame de verre, ce qui autorise une certaine oscillation autour d'une position fixe. Ils ont ensuite introduit auprès des particules et de la lame de verre des molécules adhésives avec lesquelles le biomarqueur à mesurer possède une affinité. Dès qu'une molécule de biomarqueur se lie à la fois la particule oscillante et à la lame, ladite particule est immédiatement collée ce qui permet de réduire considérablement son mouvement – jusqu’à ce que le biomarqueur se sépare.

La mobilité des particules liées au verre transparent se mesure facilement par un procédé optique. D'où le nom de cette nouvelle technique baptisée BPM : Biomarker monitoring based on the sensing of Particle Mobility (en français, surveillance des biomarqueurs par détection de la mobilité des particules). Il est ainsi possible de détecter une molécule de biomarqueur en oscillation en constatant la diminution puis l'augmentation soudaines de son mouvement. Le nombre de ces événements à chaque minute permet de déduire avec une très grande sensibilité la concentration du biomarqueur dans le liquide.

Précision numérique

La beauté de cette technologie réside dans sa précision numérique et la possibilité de suivre les augmentations et les diminutions de la concentration du biomarqueur en fonction du temps. Elle a déjà été démontrée pour la surveillance des protéines et de l'ADN. Elle répond à un large éventail d'applications, car il existe déjà des molécules adhésives pour presque tous les biomarqueurs.

Outre sa sensibilité et sa miniaturisation possible, la flexibilité de cette technologie encourage l’équipe de recherche à envisager l'avenir sous les meilleurs auspices. Menno Prins a d'ailleurs déjà fondé une start-up chargée de développer des capteurs et des applications pratiques. L'une des possibilités serait de coupler un capteur avec un cathéter pour surveiller avec précision l’état des patients en salle d'opération ou en soins intensifs. Outre les applications médicales, l'équipe envisage également la surveillance des biomolécules dans les processus industriels et l'épuration des eaux.

Les résultats de ces recherches sont été publiés dans la revue Nature Communications.