L'information publiée récemment par le Daily Mail  laisse le lecteur perplexe. À quoi bon envoyer des télescopes dans l’espace à grand frais pour y découvrir toujours plus de planètes, si un astronome, amateur de surcroît, du nom de Peter Jalowiczor, est capable de découvrir rien moins que quatre nouvelles planètes, sans aucun télescope, en n'utilisant comme simple instrument d’observation, si l’on peut dire, que son propre PC ?

Cet « amateur » – mais cette appellation convient-elle encore ? –  a utilisé la méthode de la spectroscopie Doppler qui consiste à analyser la variation de la lumière émise par une étoile pour détecter les planètes qui sont trop éloignées pour être vues par un télescope conventionnel.

Il a mis à profit pour cela tout le temps libre dont il a bénéficié pendant ces trois dernières années ainsi que les données mises en ligne par l’équipe de recherche planétaire de l’université de Santa-Cruz qu’il a analysées grâce à des programmes de son cru.

Ainsi qu’il l’a déclaré au Daily Mail, il cherche de faibles variations dans le comportement d’étoiles qui ne peuvent être causées que la présence d’éventuelles planètes et, une fois ces planètes potentielles identifiées, il envoie ces informations à l’université.

Chapeau bas, Monsieur Jalowiczor ! Astronomie dominée...


--------------------- Elektor publie ici avec plaisir et gratitude un commentaire reçu de M. J. KREUTZ, membre de l'association "Eurastro" pour laquelle il a d'ailleurs organisé des expéditions en Australie, aux USA et en Inde (observations d'éclipses solaires). Voila qui montre à l'évidence que nos nouvelles sont lues avec intérêt.


L'article d'Elektor exprime un certain étonnement lorsque l'on compare les budgets colossaux des télescopes orbitaux tels que « Hubble » aux moyens dérisoires d'un astronome amateur qui à l'aide d'un PC parvient à mettre en évidence l'existence de quatre exolpanètes. Tout d'abord, constatons que cet amateur s'est servi de données astronomiques collectées par des observatoires bien équipés, donc dotés de matériel onéreux. D'autre part, son travail a été plutôt celui d'un mathématicien.

L'image des astronomes dans l'album de Tintin « L'étoile mystérieuse » ne correspond pas vraiment à la réalité, car les télescopes modernes ne sont quasiment jamais utilisés pour l'observation visuelle (d'ailleurs, c'est grâce à un spectrogramme que le professeur Calys découvre l'élément chimique auquel il donne son nom : le Calystène. Remarquez au passage l'excellente explication que donne le professeur à notre ami Tintin...)
Leur rôle, c'est de collecter des photons qui seront alors traités par des spectromètres ou d'autres moyens similaires, qui produisent alors des résultats sous forme de fichiers de données informatiques. Les données ainsi obtenues subissent un traitement mathématique qui permet d'affiner les théories existantes ou en valider de nouvelles. Comme ces photons viennent en général de très loin, ils sont aussi très rares, d'où l'énorme diamètre du miroir des télescopes, qui en récoltent d'autant plus que leur surface est grande... et leur coût élevé.


Comment peut-on déceler la présence d'exoplanètes ? Prenons un exemple simplifié et imaginons des astronomes extraterrestres qui observent notre système solaire depuis une distance de quelques millions d'années lumière. Les deux objets de taille significative y sont le soleil, bien sûr, et une géante gazeuse : Jupiter, dont la masse représente le millième de la masse solaire. Jupiter tourne-t-elle autour du soleil ? En un sens oui, mais les lois de la mécanique céleste exigent que le soleil autant que Jupiter tournent au même rythme autour du centre de masse du système qu'ils forment. La vitesse maximum de Jupiter que pourraient mesurer les astronomes extraterrestres serait de 13000 m/s. Mais voilà ! A cette distance, s'ils sont nantis de télescopes comparables aux nôtres, ils seront dans l'impossibilité de voir Jupiter, et à fortiori de se livrer à des mesures directes. Comment pourraient-ils alors savoir que Jupiter existe ? N'oublions pas que le soleil lui aussi tourne autour du centre de masse commun au même rythme que Jupiter. Étant donné le rapport de masse de 1000 à 1 existant entre ces corps célestes, la vitesse du soleil sera le millième de celle de Jupiter, soit 13 m/s. Supposons que nos extraterrestres s'intéressent à la raie visible de 590 nm du sodium, celle qui donne cette couleur jaune caractéristique des lampes au sodium basse pression telles que celles qui éclairent les autoroutes belges. Cette longueur d'onde correspond à une fréquence de 508 THz (ou millions de mégahertz). La vitesse maximum du soleil de 13m/s provoquera un décalage de fréquence de 22 MHz par effet Doppler. Tout l'art sera pour nos extraterrestres de fabriquer des spectromètres suffisamment sensibles. Grâce à la transformée de Fourrier rapide, qui peut être exécutée par n'importe quel ordinateur, il est alors possible de déceler des variations périodiques sur des écarts de fréquence aussi infimes que 22 MHz par rapport à 508 THz.


Les astronomes extraterrestres n'auraient aucune peine à se faire une image exacte du système soleil-Jupiter. Le décalage de fréquence par effet Doppler est périodiquement positif, puis négatif. La durée de sa période est aussi identique à la durée de l'orbite de Jupiter. De plus, l'amplitude maximum des décalages de fréquence indique les vitesses maximum absolues du soleil. Comme la masse des étoiles même très lointaines peuvent être déterminées avec précision, les paramètres tels que la masse de Jupiter et le rayon de son orbite peuvent être déduits grâce aux lois de la mécanique céleste.


Faut-il s'étonner du rôle des amateurs dans l'astronomie ? Non, car depuis longtemps, ils effectuent des tâches que les professionnels n'ont pas le temps de faire : scrutation du ciel à la recherche de comètes, d'astéroïdes ou de supernovae, par exemple, et la valeur scientifique de ce travail est reconnue. Dans le cas de la mise en évidence d'exoplanètes, l'astronome amateur cité par Elektor a le mérite d'avoir valorisé avec succès des données de mesure mises à la disposition du public par les professionnels.