Les habitants de nombreuses villes connaissent les plaisirs et les peines engendrés par les trottinettes électriques. Elles se louent ou s’achètent, c’est un moyen efficace de perdre rapidement beaucoup d'argent. Que dire des modèles bon marché ? Pour répondre à cette question, j’en ai acheté une dans la succursale d'un des grands distributeurs alimentaires en Allemagne.

J'ai eu l’occasion l’an dernier de circuler pour la première fois en voiture de location dans le centre-ville de Tel-Aviv. Autres pays, autres mœurs automobiles, je m’adapte volontiers aux habitudes de conduite locales. Je n’avais pas encore fait l'expérience d’une ville animée du Moyen-Orient, où non seulement les rues sont étroites et les places de parking rares, mais où les trottinettes ont envahi les derniers interstices d’un trafic déjà dense. À pied aussi on trébuche partout sur des engins de location abandonnés n’importe où. Je n’ai pas résisté à la tentation de m’y mettre aussi...

Coup de guidon vers l’Europe

Les pays européens règlent chacun à manière la circulation des petites trottinettes électriques. Ces petits bolides font partie depuis longtemps du quotidien dans de nombreuses villes européennes, où les piétons se sont habitués à ce nouveau danger, En Allemagne, c’est nouveau. Leur homologation ne date que de 2019. Je gare la réglementation bureaucratique qui va avec dans l'encadré sur les petits véhicules électriques).

Et, comme il sied au pays dont la capitale ouvrira "bientôt" son aéroport BER dont le chantier s’éternise depuis 2007…, cette réglementation spéciale augmente le prix des trottinettes, car la production chinoise doit d'abord s'adapter aux exigences spécifiques du marché allemand. Le stade de l’homologation teutonique est désormais passé, de sorte que les deux grandes chaînes de distribution allemandes Aldi et Lidl ont proposé peu avant Noël 2019 leurs premiers modèles : Doc Green E-Scooter ESA 5000 chez Lidl fin novembre pour 299 €, suivi par Aldi à 279 €.

Informé grâce à l’internet, je savais que l’autonomie du modèle Aldi serait de l’ordre de la moitié seulement de celle du modèle Lidl, censé tenir rien moins que 22 km. J’avais eu vent aussi d’un modèle de Xiaomi, quasi identique, mais plus cher, le M365, non homologué en Germanie. En matière de téléphones tactiles, ce fabricant chinois a fait la preuve de son savoir-faire technique à bas prix. Lidl avait démenti tout lien entre les deux modèles, mais le jour du lancement j’ai pris ma place dans la queue devant la succursale Lidl de mon quartier dès potron-minet, bien avant sept heures ! Et je n'étais pas le seul avec mon grand chariot à provisions prêt à couper dans les virages pour atteindre la travée où seraient exposés les quelques exemplaires tant convoités. À 7 h, nous étions plus d’une dizaine d’impétrants trottineurs. Des six cartons exposés, trois minutes plus tard, il n’en restait déjà plus un seul. Voici mon trophée (fig. 1).

Figure 1. J’ai profité de ma sortie matutinale pour faire aussi quelques courses alimentaires.

Premières impressions

De retour à la maison, j’ai aussitôt entrepris de déballer le colis dans mon labo d'électronique au sous-sol. Une fois débarrassé de la coque de transport en mousse, j’ai découvert ce que montre la fig. 2 : la colonne de direction est rabattable, il restait à fixer le guidon avec quatre vis Allen.

Figure 2. La trottinette électrique sortie du carton : il n’y a que le guidon à monter.

Le chargeur est fourni, le certificat d’homologation aussi (fig. 3). Ce dernier point est crucial, car sans ce certificat, vous n’avez aucune chance d’obtenir une assurance pour le véhicule.

Figure 3. Accessoires : chargeur, vis et clé Allen et documents.

À peine cinq minutes après le déballage, j’avais devant moi la trottinette assemblée dans toute sa gloire telle qu’elle apparaît sur la fig. 4.

Figure 4. La trottinette électrique assemblée en un tournemain.

Avant de démarrer, il restait à comprendre où allumer l'appareil et ce que signifient les LED, etc. Selon le manuel, pour l'allumer il faut appuyer sur le bouton noir du guidon. L'afficheur à deux chiffres s'allume et indique aussitôt la vitesse avec une précision exemplaire : 00 km/h. Les LED indiquent le niveau de charge de la batterie. Sur la fig. 5 le guidon est en position de conduite, mais il va falloir patienter maintenant : la batterie est déchargée, or les instructions sont formelles : il faut commencer par une première charge complète. La manette rouge à gauche est le frein (régénérateur) et la manette bleue à droite est un accélérateur. Les poignées du guidon sont fixes. En haut à droite, vous pouvez voir le levier du frein à disque (arrière).

Figure 5. Guidon et tableau de bord allumé : la batterie est déchargée.

Cinq heures plus tard, la batterie était chargée et j’aurais pu procéder à un premier essai au grand air, mais j’ai commencé par faire le tour de la cave : ça roule, mais j’ai été frappé tout de suite par la puissance assez modeste. D’accord, on n’est encore qu’en mode éco pour des raisons de sécurité, mais je n’ai pas senti de poussée. Avant de sortir, je me suis mis à inspecter la fabrication de la trottinette.

Les soudures du cadre en aluminium sont soignées (fig. 6). Le verrouillage du guidon semble solide.

Figure 6. Soudure solide et mécanisme de pliage.

La fig. 7 montre la roue avant dont Lidl annonce qu’elle est équipée d’un pneu de 8,5 pouces en nid d'abeille. J’ai des doutes, car cela me rappelle plutôt des pneus pleins ordinaires. En tout cas, il n'y a pas à craindre de crevaison.

Figure 7. Roue avant avec moteur-moyeu et pneus en caoutchouc plein.

La fig. 8 montre la roue arrière avec son disque de frein perforé surdimensionné et un éclairage arrière et un porte-plaque d'immatriculation. Le téton en caoutchouc gris sur le garde-boue reçoit le guidon quand il est replié. En dépit de son poids de 15 kg, il est possible de transporter la trottinette confortablement. Vous trouverez de plus amples informations dans les Propriétés.

Figure 8. Roue arrière avec frein à disque et dispositif de blocage du guidon quand il est replié.

Sous le capot

Ce qui nous intéresse le plus ici est ce qui se trouve à l'intérieur de l'appareil, sous le capot que j’ai dévissé immédiatement. C'est facile, car sous l’engin il y un couvercle en plastique épais (fig. 9) maintenu par 13 vis, et dont la fig. 10 montre qu'il n'est muni que d’un modeste ruban de mousse pour l’étanchéité. Sur eBay, pour le Xiaomi M365, on trouve heureusement pour pas cher des couvercles compatibles, mais en alu, de différentes couleurs. Mot-clé : "Bottom Battery Cover Xiaomi M365". Il existe d’ailleurs de nombreux accessoires appropriés (mot-clé : "M365").

Figure 9. Le dessous de caisse est en plastique et peut être dévissé.
Figure 10. Couvercle dévissé avec joint en mousse.

C’est la fig. 11 qui nous montre la pièce la plus importante : la batterie, composée de cellules cylindriques (10s3p) et assez soignée d’aspect. Les informations données par le prospectus sont correctes. La batterie, vissée au cadre par le bas, pourra être remplacée facilement en cas de défaut.

Figure 11. La batterie fait assez bonne impression.

La deuxième pièce cruciale pour la satisfaction du client est l'électronique : la fig. 12 montre qu'un deuxième boîtier en plastique transparent protège le circuit de l'humidité. On reconnaît les six MOSFET qui forment un pont triphasé. Il s'ensuit qu'il s'agit d'un moteur sans balais à régulation électronique, gage d’efficacité et de robustesse.

Figure 12. Les six MOSFETs de l'électronique encapsulée.

La fig. 13 montre la prise de charge, protégée par un bouchon en caoutchouc. Remarquez au passage la belle soudure sur cette photo.

Figure 13. Prise de charge sur le côté gauche. La mise en garde enjoint de n'utiliser que le chargeur d'origine.

 

Essai de conduite

Après avoir tout revissé, je suis enfin sorti dans la rue. Dans la vidéo, mon premier test de conduite encore timide. Au début, je n'ai pas quitté le mode éco, qui limite la vitesse à 15 km/h. Et ce n’est pas plus mal, surtout pour commencer !

Pour que la trottinette puisse accélérer, il faut la faire rouler en poussant du pied (ou dans une descente) jusqu’à dépasser les 2 km/h. C'est peu de chose, un tout petit coup de pouce en fait,  qui a pour avantage considérable de réduire la consommation d'énergie. Sans cela, la sollicitation de la batterie est très forte au démarrage. Une fois parti, les 15 km/h ne m’ont pas semblé dangereux, malgré les petites roues. Mais il a bien fallu songer à s’arrêter et, comme chacun sait, pour cela il faut d’abord ralentir...

J'ai donc essayé le bouton rouge gauche, avec le frein à récupération d’énergie. Celui-ci a malheureusement  un comportement plutôt « numérique ». Le freinage de la trottinette est brusque et fort. Comme je ne n’y attendais pas, j'ai failli faire la culbute. J'ai refait un essai avec cette fois le frein arrière. Là encore, le freinage ne m’a pas paru proportionnel à ma pression sur le levier. Le frein à disque est trop vigoureux à mon goût. S'il y avait eu un tapis de feuilles mortes sur la route, la trottinette patinait et c'était encore la culbute. Tout ceci n'est pas sans risques !

En mode éco, il n’y pratiquement aucune accélération à proprement parler. Avec 350 W, je me serais attendu à une poussée sensible. Essayons donc le mode normal. Je m’arrête, je passe en mode normal en appuyant deux fois sur le bouton noir et c’est reparti. En dehors de la différence de vitesse de pointe entre les modes, je n'ai pas remarqué plus de poussée. La trottinette de Lidl roule à 20 km/h comme promis, cela devrait suffire.

Conclusion

Mon impression d’ensemble est positive, la qualité du véhicule m’a surpris. Sa construction est soignée, il est bien fait. La batterie ne déçoit pas et on devrait pouvoir se fier aux 22 km d'autonomie — je précise que je ne l’ai pas fait, car je n'avais aucune envie de rentrer en poussant. L'électronique aussi fait bonne impression, l'éclairage est adéquat. Que l'on puisse fabriquer une telle trottinette  pour ce prix ne laisse pas de m'étonner.

L'accélération m’a déçu. La puissance est censée être de 350 W. Réellement ? Je n’ai pas de véritable sensation de poussée électrique, sauf pour la récupération d’énergie. Ce qui nous amène au plus grand défaut : le manque de souplesse du freinage. Le frein à disque, encore neuf, perdra sans doute de sa vigueur avec le temps et le freinage devrait devenir potable, mais le frein à récupération m’a tout simplement paru mal conçu. Celui qui a conçu cela doit revoir sa copie.

Malgré ces freins auxquels il faut vraiment se faire, mon évaluation est globalement positive. Le rapport performance/prix est très bon. Je vous conseille vivement de faire un essai avant d’acheter une telle trottinette électr(on)ique pour vous-même ou pour votre progéniture.

Un de mes amis adepte des véhicules électriques a voulu vérifier si cette trottinette tenait dans le frunk de son nouveau Tesla Model X. La fig. 14 prouve que oui. Mon ami Martin veut pouvoir se promener en ville pendant que sa Tesla reste sagement à la borne de recharge. Il faut dire que Le prix de la trottinette est bien inférieur à celui d’un rétro de son bolide, lequel est 12,4 fois plus rapide et 885 fois plus puissant.

Figure 14. Trottinette dans le coffre (à l’avant) d'une Tesla Model X (Photo : Martin Jepkens).

Elektor est réputé pour la qualité de son contenu. En voulez-vous davantage ?

Abonnez-vous maintenant au magazine Elektor et ne manquez plus jamais ni aucun de ces articles précieux ni aucun de ces projets géniaux.