Les alimentations électriques de mon labo...

En matière d’alimentation, mon petit labo d'électronique ne manque de rien. Avec sa capacité de charge de 9 A, le bloc sous 12 V (à droite sur la photo) alimente mes petites perceuses/meuleuses. À côté trône le bloc de l'alimentation de précision Elektor de 1981 ! Quarante ans après, sa précision est toujours de 0,1 %. Il est complété par une source de tension secteur à relativement haute impédance avec une isolation de sécurité et une capacité de charge d'environ 60 W. Ce n'est peut-être pas très joli, mais c’est pratique et … ça a déjà sauvé des vies.

Le bloc d'alim de labo numérique de 60 V et 8 A est puissant, sa seule faiblesse serait que je ne l’ai pas construit moi-même. Vous connaissez à présent le contexte dans lequel j’ai testé l’alim PeakTech 6080 A, qui ne fournit peut-être que 15 V et 3 A, mais a d'autres caractéristiques intéressantes.

Tombé du camion

Le colis de l'alim PT 6080 A n’est pas arrivé chez moi par la poste, il a été annoncé par téléphone. C’est un voisin, un peu plus haut dans la rue, qui m'a appelé, la veille de Noël. Ses parents avaient vu des paquets tomber de la camionnette du facteur ; ils se seraient arrêtés et auraient emporté celui qui portait mon nom. Je suis allé le récupérer et sans chercher à comprendre j’ai prévenu le facteur, bien content quand il a appris que le colis était arrivé...

Pourquoi je raconte ça ? Parce que si l'alimentation n'avait pas été très bien emballée dans sa boîte en carton avec de la mousse épaisse (fig. 1), elle n'aurait pas survécu aux aléas du voyage jusqu'à moi et je n'aurais pas pu boucler ce banc d'essai à temps.
 

Figure 1. Le coffret de l’alim de labo est bien emballé dans une mousse épaisse.

Avec ses 80 x 160 x 225 mm (L x H x P), le coffret est vertical, et pas horizontal comme d'habitude (fig. 2), ce qui en réduit l’encombrement sur le plan de travail. Le radiateur maous, à l’arrière, est frappant. C’est un signe qui ne trompe pas, c’est à cela qu’on reconnaît une alimentation à régulation analogique, qui doit dissiper pas mal de puissance surtout quand la tension de sortie est dans le bas de la plage de régulation. Son poids est un autre signe : environ 2 kg, ce n'est pas léger pour une puissance de sortie de 45 W. Sans doute la ferraille et le cuivre d’un vrai transformateur. Et pas un petit transfo HF, comme sur les alimentations à découpage.
 

Figure 2. L’alim de labo PT 6080 A vue de devant et de derrière (Photo : PeakTech)

Sa tension de sortie sur deux prises bananes de sécurité est réglable de 0 à 15 V. La limitation de courant est réglable de 0 à 3 A. Quatre boutons rotatifs sont prévus à cet effet – deux de chaque côté sont responsables du réglage grossier et fin de la tension (à droite) et du courant (à gauche). Il y a également deux afficheurs à quatre chiffres pour la tension et le courant, et deux LED marquées "C.C." et "C.V.". Sur la figure 2, la LED C.V. est allumée. L'alim est donc en mode de tension constante. Quand c’est le courant qui est limité, la LED CC (Constant Current) s'allume.

Précision surprenante

Ce qui vous intéresse sans doute autant que moi, c'est de vérifier la précision de cet affichage. Sur mon alim numérique, tension et courant sont régulés numériquement à l'aide de deux codeurs. Il est généralement possible de passer d'un réglage grossier à un réglage fin dans un rapport de 1:10 en appuyant sur le bouton. Malheureusement, la valeur affichée par les alimentations numériques est la valeur de consigne, pas ce qui sort des prises. On se retrouve donc avec généralement de petits écarts de l’ordre de 100 mV ou de 10 mA. C’est parce que les fabricants d’alimentations numériques, surtout les modèles bon marché, font l’économie d’une puce de voltmètre numérique et ne donnent donc de la tension de sortie réelle qu’une valeur indicative.

Ce n'est pas le cas sur l’alimentation PT 6080 A. Au lieu de codeurs rotatifs, on emploie ici des potentiomètres. Le rapport du réglage grossier au réglage fin est d'environ 1:7. Ce réglage analogique m’a demandé un temps d'adaptation. Contrairement aux alimentations numériques, vous ne voyez pas immédiatement ce que vous réglez. Comme la tension appliquée et le courant en circulation sont mesurés numériquement ici et que les puces de convertisseur A/N typiques effectuent environ trois à quatre mesures par seconde, il y a forcément un (petit) décalage entre le mouvement du potentiomètre et l'affichage des valeurs correctes. Ce n’est rien de grave, mais c’est assez différent des alimentations numériques de labo pour ne pas passer tout à fait inaperçu.

La fig. 3 confirme que ce n’est rien de grave. Ce qu’affichent l'alim de labo PT 6080 A et mon multimètre est identique à 10 mV = 0,07 % près pour la tension, et 0,3 mA = 0,08 % pour le courant (avec un courant de 3 A, l'écart est similaire). C'est étonnant, d’autant plus qu’avant d'effectuer cette mesure comparative, j'avais étalonné mon multimètre avec une source de tension de référence précise à 0,1 %. L’alim PT 6080 A est donc beaucoup plus précise que la spécification du fabricant de 0,5 % ±5 chiffres et vous pouvez vous fier à ce qu’elle affiche. Je ne m'attendais pas à ça !
 

Figure 3. Comparaison de l'affichage du multimètre et de l'affichage de l'alimentation du laboratoire (en haut : tension, en bas : courant).

La figure 4 montre la tension maximale en mode CV (a) et le courant maximal en mode CC (b). Le PT 6080 A délivre donc un peu plus que les 15 V et 3 A spécifiés.
 

Figure 4. Tension maximale (a, CV) et courant maximal (b, CC).

Niveau de bruit

À quoi ressemble la tension de sortie en charge ? Si on achète une alim de labo analogique de puissance modérée, ce n’est pas pour alimenter principalement des circuits numériques. Son champ d’utilisation, ce sera plutôt de faire fonctionner des circuits analogiques sensibles aux interférences, amplificateurs BF ou circuits RF avec le niveau de bruit le plus faible possible sur la tension d'alimentation. À l'exception des appareils de laboratoire très coûteux, les sorties des alimentations de laboratoire numériques sont toujours (plus ou moins) encombrées par des parasites résultant des fréquences de commutation numérique et logiques, plus les harmoniques. Une alimentation analogique à régulation linéaire devrait faire mieux. Est-ce aussi le cas du PT 6080 A ?

Le fabricant indique que l'ondulation résiduelle de la tension de sortie est de 0,5 mVeff. La fig 5 montre quatre captures d'écran de la tension de sortie de l'oscilloscope dans différentes conditions. La sensibilité (2 mV/div.) et la base de temps (10 ms/div.) sont les mêmes partout. Le bruit et le ronflement en mode CV sont bien dans la plage spécifiée, à la fois à vide (a) et en charge (b).
 

Figure 5. Diverses traces de la tension de sortie à l’oscillo.

La tension de sortie ne se comporte pas aussi bien lorsque l'alimentation est en mode CC. Ici, l'ondulation est d'environ 2 mVrms, indépendamment de la charge. La composante basse fréquence clairement visible avec 128 Hz (c) ou 171 Hz (d) n'est pas un ronflement du secteur, sinon une fréquence de 50 ou 100 Hz serait affichée. Cependant, ce niveau de bruit est encore bon, et comme les circuits analogiques sont fournis en mode CV, le niveau de bruit légèrement augmenté en mode CC est négligeable.

Vie intérieure

Un banc d’essai n’est pas une autopsie, mais quand j’ai sous la main un nouvel appareil comme celui-ci, je ne résiste pas longtemps à la tentation de dégainer mon tournevis. C’est vite fait. Six vis, le couvercle en tôle et voilà le travail sur la fig 6.
 

Figure 6. Intérieur de l’alim de labo PT 6080 A avec transfo de puissance, carte de puissance et section de commande avec CMS.

Le transfo torique est massif. Son primaire est commutable pour les réseaux 230 et 115 V. Un enroulement de 30 V avec prise centrale alimente le tableau de commande/affichage à l’avant (c). À l’arrière se trouvent le circuit imprimé avec redresseur à quatre diodes de 5 A et le condo de lissage, bien dimensionné avec 4.700 µF/50 V, ainsi que le transistor de puissance vissé sur le dos du coffret. Le composant noir à droite des diodes est un relais, dont on entend le déclic lorsqu’on balaie la plage autour de 7,5 V avec le potentiomètre. En dessous de ce seuil, le relais n'applique au redresseur qu'un enroulement secondaire de 12,5 V pour ne passer à une tension alternative de 21,5 V qu’au-dessus du seuil de 7,5 V de sortie. Cette précaution astucieuse réduit la dissipation de puissance en cas de forte consommation de courant quand la tension de sortie de l’alimentation basse (< 7,5 V).

Bilan

Le PT 6080 A de précision coûte à peine 60 € dans l’e-choppe d’Elektor. Son rapport qualité/prix est donc remarquable. Cet appareil se distingue en effet par la précision des valeurs affichées et m’a donc paru convaincant, bien plus d’ailleurs que ce à quoi je m’attendais. Un rapport de calibrage imprimé est fourni avec l’appareil, et mes propres mesures en ont confirmé l’exactitude. L'électronique est bien dimensionnée et je n’ai constaté aucun ronflement du secteur. Les tensions sont parfaitement régulées et ne fléchissent que légèrement sous pleine charge. Les niveaux de bruit en mode CV sont bons. Grâce à l'astuce de la commutation par relais, l'alimentation ne chauffe pas beaucoup même en cas de forte charge continue, ce qui n'est pas évident pour une alimentation analogique. L'alim PT 6080 A est évidemment à l'épreuve des courts-circuits.

En somme, cette petite alimentation de laboratoire mérite donc indubitablement la mention recommandée par Elektor.