L'association de la technologie et du capitalisme peut conduire à des excès consternants. La banque d'investissement Goldman Sachs en fournit un exemple avec son rapport sur la biotechnologie et la thérapie génique.

Les innovations médicales ouvrent les portes à une guérison humaine en un acte. Au lieu de traitements de longue durée et par conséquent chers, la thérapie génique pourrait déboucher sur la one shot cure (littéralement : guérison en une injection).

Pour les analystes de Goldman Sachs c'est une bonne raison de se poser des questions : « la guérison des patients débouche-t-elle sur un modèle économique durable ? » Cette nouvelle a été rapportée la semaine dernière par l'agence de presse CNBC.

Dans son article intitulé The Genome Revolution, l'analyste Salveen Richter écrit : « La possibilité d'une guérison en une injection est l'un des aspects les plus intéressants des thérapies de type génique, réparation des gènes cellulaires et modification génétique. Mais avec de tels traitements, la perspective de revenus récurrents est tout autre qu'avec les traitements de longue durée. Cette possibilité, pourtant extrêmement intéressante pour les patients et la société, peut être un véritable défi pour les développeurs de médicaments génétiques qui ont besoin de revenus durables ».

Sacrifier la poule aux œufs d'or ?

Le rapport présente un exemple concernant une méthode pour le traitement de l'hépatite C. L'entreprise Gilead Sciences a mis sur le marché un traitement efficace qui guérit le malade dans 90 % des cas. Mais les bénéfices se sont essoufflés rapidement : en 2015, le marché américain de ce médicament a rapporté 12,5 milliards de dollars. Cependant, Goldman Sachs prévoit que les bénéfices en 2018 devraient tomber à 4 milliards de dollars.

Pour les maladies infectieuses comme l'hépatite C, il est clair qu'un traitement très efficace a pour effet direct de réduire sans cesse le nombre de patients. Richter écrit : « En raison de la guérison des patients existants, le nombre de porteurs du virus diminue et l'infection est transmise de moins en moins souvent ».

Richter indique ensuite que l’effet sur les profits est moins important pour les autres types de maladies : « Pour les affections caractérisées par la stabilité du nombre de nouveaux patients (par exemple les cancers), un traitement efficace présente moins de risques pour la pérennité de l'entreprise ».

Incitations perverses

La nouvelle rapportée par CNBC s'est répandue rapidement dans les médias traditionnels et sociaux. L'approche de Goldman Sachs touche un point particulièrement sensible. La banque d'investissement évalue un développement potentiellement révolutionnaire, qui pourrait être une bénédiction pour la santé publique, par son approche orientée profit maximal.

Cette discussion n'est cependant qu'un révélateur d'un plus vaste problème. À savoir que le développement technologique est prisonnier des arrière-pensées commerciales. Cela signifie que nous ne pourrons pas réparer nos appareils nous-mêmes, qu'un Internet des objets mal sécurisé et pourri se développe et que les droits d'auteur font obstacle au progrès scientifique.

La santé d'abord !

Au lieu de confiner les nouvelles pistes technologiques dans de vieux shémas de profitabilité, il pourrait être plus avantageux de développer de nouveaux modèles économiques. Madame Emma Bruns, médecin néerlandais, plaide pour un autre modèle dans le domaine de la santé : « Aujourd'hui, les soins médicaux sont organisés selon un modèle qui tire son profit des maladies alors que c'est la santé qui devrait être le point central » indique-t-elle. « Plus il y a de malades, plus les assurances-maladie, l'industrie pharmaceutique et même les hôpitaux produisent de revenus ». Elle demande par conséquent au gouvernement de travailler à un modèle économique qui vise avant tout à guérir les patients et à les maintenir en bonne santé.

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