Insaisissable fumet sorti d'une cornue mathématique chauffée sous feu quantique, le photon est une étrange chimère. Portant tantôt bonnet onde, tantôt bonnet particule, ce fantôme espiègle traverse votre bon sens comme un passe-muraille dès lors que vous essayez de le comprendre.

Ainsi le photon est-il doté d'un moment cinétique orbital qui ne peut prendre que certaines valeurs. Puisqu'il est difficile d'imaginer autour de quoi peut bien tourner un photon pour posséder un tel moment cinétique, le plus simple est de se dire que ce moment correspond à un « état » du photon.

Des photons tous ligotés dans ce même état par un moyen ou un autre (onde laser modifiée par un déphaseur par exemple) forment un faisceau de lumière possédant un moment cinétique orbital bien défini. Aux modulations d'amplitude, de phase et de fréquence, s'ajoute alors la possibilité théorique de coder des données avec ce moment cinétique, et par conséquent d'augmenter l'efficacité spectrale d'une modulation donnée (le nombre de bits transmis par seconde et par hertz).

ElektorHebdo vous en parlait en septembre, une équipe d'universitaires avait ainsi réussi à multiplexer sur une même fréquence huit ondes de moments cinétiques différents. Débit atteint : 2,56 térabits par seconde. Si ce chiffre ne vous cloue pas les oreilles au plafond, il équivaut au transfert de 50 Blu-ray en une seconde. Il correspond également à une efficacité spectrale de 95,7 bits/s/Hz.

Fourbi de semi-conducteurs exotiques et coûteux, le dispositif utilisé semblait promis à un bel oubli, mais l'annonce d'une autre équipe relance les promesses d’applications proches. La fabrication par cette équipe d'un circuit intégré optique sur silicium compatible avec les techniques CMOS, autoriserait en effet la création à grande échelle de lasers pouvant produire des signaux dotés de moments cinétiques orbitaux. Exploiter cette technique de multiplexage permettrait d'aérer en grand la bande passante des réseaux sans-fil, proches de la saturation.