Du point de vue d'un électron en train de turbiner dans un transistor, le parcours entre source et drain ressemble à la traversée, à une heure de pointe, d'un carrefour privé de feux rouges : collisions et autres déviations de trajectoire restreignent son libre parcours moyen à quelques nanomètres.

Oubliez la galette de silicium, adoptez la crêpe de graphène, et exit cette cohue atomique qui altère les performances des composants.

Le graphène, un cristal bidimensionnel de carbone, cumule plus de qualités qu'une armada de super-héros : matériau le plus fin à ce jour, résistance mécanique record, résistivité minimale à température ambiante, conductivité thermique deux fois supérieure à celle du diamant, ductile, imperméable aux gaz... et surtout une mobilité électronique exceptionnelle puisque la masse effective des électrons du graphène est nulle, comme si les porteurs de ce super-matériau se déplaçaient revêtus d'une cape de photons.

Ses méthodes de fabrication ont été suffisamment améliorées et diversifiées pour que le remplacement du silicium par des composants au graphène soit désormais dans le viseur d'industriels comme IBM ou Intel.

Sans aucun doute auront-ils été attentifs aux résultats d'une équipe américaine, qui vient de publier dans la revue Nature une technique de fabrication de circuits d'épaisseur atomique. Le graphène est déposé par évaporation sur un substrat de cuivre, puis le motif souhaité est dessiné par photolithographie. Que la surface de cuivre exposée soit recouverte de nitrure de bore, un isolant, ou de graphène de type P pour former une jonction PN, les structures cristallines des différents matériaux s'allient comme les mailles d'un tricot parfait, sans faux plis atomiques. En jouant avec une palette de matériaux différents et en superposant les films obtenus, cette technique devrait permettre de repousser un peu plus les limites de la densité d'intégration des circuits.

 

(Photo Université Cornell : Représentation d'un assemblage de graphène (en gris) et de nitrure de bore)